HAUSSE DES FRAIS DE NOTAIRES : LA GROSSIÈRE ERREUR DE MATIGNON
Henry Buzy-Cazaux, président de l’Institut du management des services immobiliers, dénonce fermement l'idée de Matignon de permettre aux départements d'augmenter leurs droits de mutation sur les transactions immobilières. Une politique qu'il juge très risquée, même si Bercy semble s'y opposer.
Le Premier ministre, Édouard Philippe, vient de faire aux élus des départements la proposition de permettre l’augmentation de la part leur revenant des droits de mutation à titre onéreux - improprement appelés "frais de notaire", c’est-à-dire l’essentiel de cette taxe sur les achats de biens immobiliers existants. Il faut rappeler qu’il y a quelques années, le législateur - puisqu’il faut que la loi fiscale en crée les conditions juridiques - avait autorisé une hausse de 3,8 points alors pratiqué, à 4,5%... et que tous les conseils généraux (c’était leur nom,avant qu’on ne les nomme "conseils départementaux") avaient évidemment profité de cette faculté de majorer leurs rentrées fiscales. Au total, la manne représente pour eux près de 15 milliards d’euros. Il s’agirait aujourd’hui de fixer le plafond de la part départementale à 4,7%, ce qui représente 5% de hausse.
On comprend bien la motivation : la suppression de la taxe d’habitation pour tous les ménages français à l’échéance 2020 va priver les communes de quelque 24 milliards d’euros et le financement, que l’exécutif n’avait absolument pas prévu, se fera ni plus ni moins que par un transfert d’une partie de la taxe foncière, celle perçue par les départements. L’histoire est belle : le ministre des comptes publics, Gérald Darmanin, et le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, ont juré la main sur le cœur qu’aucun nouvel impôt ne serait inventé pour compenser la perte entraînée par le cadeau relatif à la taxe d’habitation. Bercy vient d'ailleurs de s'opposer à la proposition de Matignon. Eh bien, qu’à cela ne tienne : on pourrait simplement augmenter des impôts ou taxes déjà au catalogue, avec un jeu de transferts entre État et collectivités de tous niveaux. Franchement, il est possible que les Français aient le sentiment qu’on se moque d’eux.
Notre pays est très mal placé dans le concert européen et mondial, avec les droits de mutation à titre onéreux les plus chers : 8,5% au total du montant d’une transaction. Ils sont proprement confiscatoires. Le gouvernement a promis une remise à plat de la fiscalité locale et le moins qu’on puisse dire est que ça part mal. Pour l’instant, on se satisfait de bricoler les dispositifs existants, comme dans un bonneteau censé sans doute troubler le regard des ménages. Parlons donc de cet impôt, nouvelle cible du gouvernement et de sa pente à l’inflation fiscale. Il est probable que ceux qui nous gouvernent croient qu’une hausse de 0,2 point d’une taxe supérieure à 8% n’aura aucune conséquence. On entend même des professionnels de l’immobilier soutenir cette thèse, supposant au pire que les primo-accédants, les moins aisés des acquéreurs, feront la grimace, eux qui en sont souvent à quelques milliers d’euros quand ce ne sont pas quelques centaines pour boucler leur financement. On a l’impression de revivre l’épisode des 5 euros d’APL, que le Président Macron a bien inopportunément ravivé dans une récente interview sur sa conception de la France, donnée à la faveur de l’évocation du Colonel Arnaud Beltrame. Nos gouvernants ont-ils les pieds sur terre ? Savent-ils quel est le train de vie de la plupart des familles ? C’est la première erreur et probablement la plus durec : méconnaître les soucis de désolvabilisation des Français.
Au-delà de cette appréciation et de sa dimension sociale, il y a cette étrange conception économique qui consiste à ne pas s’interroger sur le bien-fondé d’un impôt et de penser que tant qu’on peut charger la barque sans qu’elle chavire, il ne faut pas s’en priver. Cet impôt est stupide : rien ne justifie que les trois niveaux de collectivités, les départements en tête, et l’État dans une moindre mesure, taxent les acheteurs de logements, comme s’ils avaient contribué à la valorisation du bien. Certes, ils l’ont fait par l’urbanisme et le développement des infrastructures, mais d’autres impôts leur en ont donné les moyens, à commencer par l’impôt sur le revenu. En outre, au nom du principe de non affectation de l’impôt, les départements n’ont absolument pas à réinvestir dans le logement le fruit des droits de mutation à titre onéreux. Quelques villes ont néanmoins cette honnêteté civique et politique, comme Paris, pour qui cette taxe rapporte de l’ordre d’un milliard et demi par an ! La capitale en alloue une partie majeure à la construction de logements sociaux et à l’aménagement.
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Et puis il faut se méfier de l’écœurement fiscal, y compris de ceux pour qui la hausse des droits ne constitue pas un obstacle réel parce que leur budget peut l’absorber, mais qui n’en peuvent plus de ces impôts qui croissent et croissent encore. Pis : ils sont alourdis alors que les discours publics prétendent l’inverse. On ne va parler d’élasticité prix de l’impôt, ce principe économique qui s’applique à la formation des prix des biens de consommation : une augmentation fait en principe structurellement baisser la demande. Il n’est pas question de cela a priori, même si la succession des hausses finit par menacer la solidité de la corde en la sollicitant un peu trop. Non, c’est plutôt que c’est là un signal de plus qu’Emmanuel Macron et ceux qui l’entourent n’aiment guère la propriété et ne s’attachent pas à la favoriser. Il vaudrait mieux le dire aux Français et aux professionnels immobiliers à leur service. Si c’est une stratégie, qui devient très lisible, que l’exécutif nous l’annonce, et qu’il écourte les souffrances de ceux qui, persuadés que l’immobilier crée de la richesse, se sont mis en tête que leur Président allait fluidifier aussi ce marché et libérer les énergies. L’observation la moins passionnelle décèle une sorte de mensonge d’État, qui met la France et les Français dans une situation de trouble. Le Président Macron veut-il nous détourner de l’accession à la propriété et de l’investissement ?