Ça y est, les indicateurs virent au rouge en matière de construction résidentielle et de transaction. La Fédération des promoteurs immobiliers vient de rendre publique les performances de vente de logements neufs et elles attestent d’une inflexion. Sans les achats des organismes HLM aux promoteurs privés, le secteur ferait frise mine : au dernier trimestre de 2017, les achats des particuliers ont baissé de 3,1%. Dans le même temps, et sans que les chiffres ne soient encore disponibles, les constructeurs de maisons individuelles ressentent les effets du recentrage du prêt à taux zéro sur les zones tendues, qui ne sont pas leurs terrains de jeu favoris, et même du Pinel, sachant qu’une petite proportion de leurs ventes se fait à des investisseurs bien inspirés de considérer la maison comme un produit locatif attrayant, notamment autour des villes moyennes.
Enfin, une très récente étude du Xerfi prévoit une baisse du nombre de reventes de logements existants, qui les ferait chuter à 900.000 unités, contre près de 990.000 en 2017. La suppression de l’APL accession est évidement une cause, couplée à une légère remontée des taux. Enfin, le taux de rotation dans le parc locatif privé a chuté de 3 points, pour s’établir à 28% en moyenne nationale : la baisse des APL location, ainsi que le resserrement de l’offre locative dans les grandes villes couplé à une tension sur les loyers ont eu raison de l’appétence des Français à changer de logement au gré des événements de leur vie.
La politique de rationalisation des aides est en train de dĂ©ployer ses effets. La probabilitĂ© que les marchĂ©s du neuf et de l’ancien se replient entre 5 et 7% en 2018 est forte. Or, c’est considĂ©rable. D’abord bien sĂ»r parce que ce sont autant de projets de familles et d’individus qui ne vont pas se rĂ©aliser, alors que d’évidence les envies sont lĂ . Il n’y a aucune raison de tenir 2017 pour un millĂ©sime exceptionnel : il tĂ©moigne juste que si les conditions sont rĂ©unis, le marchĂ© peut avoir cette vigueur pour satisfaire les besoins qui s’expriment. On rappellera que le logement rĂ©pond aux besoins primaires et que la part des achats et des ventes contingents, c’est-Ă -dire qui pourraient ne pas avoir lieu sans rien changer au destin des parties concernĂ©es, est quasi nulle.Â
Cette rĂ©duction de voilure Ă laquelle on assiste va aussi devoir ĂŞtre encaissĂ©e par les acteurs professionnels, promoteurs, constructeurs, agents immobiliers. Pour le dire de façon plus technocratique, l’appareil de production va devoir s’ajuster. Ce problème est plus important qu’il y paraĂ®t et on n’en parle guère. Oui, il y a aura des licenciements dans la filière si le ralentissement se poursuit et se confirme, et s’agissant de la transaction, Ă cĂ´tĂ© de suppressions d’emplois de nĂ©gociateurs salariĂ©s, on verra des travailleurs indĂ©pendants se dĂ©tourner de l’immobilier. Bref, les effectifs vont se rĂ©duire Ă due concurrence de l’affaiblissement du nombre d’opĂ©rations. On mesure d’abord les consĂ©quences Ă©conomiques et sociales d’une telle involution, mais il faut estimer un autre impact : l’appareil de production ou de service est peu Ă©lastique dans notre pays. Lorsqu’une entreprise est contrainte de s’allĂ©ger, elle expose des coĂ»ts pour le faire et ne fera pas le chemin inverse avant deux ou trois ans. Pour la construction, plus encore pour les services, qui peuvent compter sur le statut flexible des agents commerciaux, un redĂ©marrage ne peut s’enclencher sans dĂ©lai et toute baisse d’activitĂ© induit une viscositĂ© de la production pour au moins dix-huit mois.Â
Le sous-dimensionnement des moyens conduit aussi à un risque d’altération de la qualité : si la demande recommence à s’exprimer de façon significative, par exemple du fait d’une inflexion de la politique fiscale à la faveur de la loi de finances pour 2019, dont l’ébauche sera connue à l’automne, il est à craindre que la qualité de fabrication des logements pâtisse de la réduction des effectifs. Au moment même où les constructions doivent répondre à des process exigeants les rendant performants au plan énergétique si l’on parle des logements neufs et au moment où le conseil au profit des acquéreurs dans l’existant ne peut se permettre d’être médiocre.
En fait, l’exĂ©cutif est allĂ© vite en besogne : il a diminuĂ© les aides sans que les producteurs puissent attĂ©nuer leurs prix et resolvabiliser ainsi la demande. L’abondement de l’offre foncière par la mobilisation des terrains publics comme par l’inversion de la fiscalitĂ© des plus-values de cession pour les terrains privĂ©s, la simplification des normes et des procĂ©dures d’instruction des permis de construire, le durcissement des sanctions contre les recours malveillants, tout cela n’agira qu’au bout de deux ou trois exercices. On ne parle plus de choc d’offres mais on assiste dĂ©jĂ Ă un reflux du marchĂ©. Il obèrera en outre l’avenir de la construction et pĂ©nalisera mĂŞme les activitĂ©s de service, transaction et location, par inadaptation quantitative des ressources humaines Ă la demande lorsqu’elle se rĂ©veillera. Ceux qui considèrent qu’il fallait secouer le cocotier pour faire sortir les acteurs de leur confort se trompent : il y aura de la casse et les rĂ©parations prendront plus de temps qu’on ne croit avant que le navire ne recouvre sa capacitĂ© Ă croiser Ă vitesse Ă©levĂ©e.Â